12. oct., 2012

Vous connaissez Chuine Sugihara ?

Au secours je suis pris d’une grave crise d’utopie.

J’ai peur de ne pas arriver à la soigner, car je pense qu’elle est atavique. Un truc que tu choppes à la naissance sans pouvoir jamais t’en débarrasser, du genre tu tombes sept fois, tu te lèves huit et ainsi de suite jusqu’au dernier souffle. Sale maladie ce truc.

En plus je suis en colère contre vous. Pas contre toi chenapan puisque tu me lis et que tu bois mes paroles… 😉 Non, contre vous, les autres, qui dormez tout le temps et ne faites rien pour essayer, au moins essayer, de changer les choses.

J’ai l’impression que l’humanité est comme un homme dont la maison brûlerait et qui resterait tranquillement assis immobile à l’intérieur. 

Vous ne trouvez pas que ça sent le roussi dehors ?

 

On a toujours plusieurs solutions, mais il faut toujours faire la guerre, rien ne va de soi. Et la guerre, même pour les bonnes raisons, il faut reconnaître que c’est pénible.  

Mais qu’est-ce qu’il raconte le blogueur fou ?🤨

Mais quelle guerre doudou dit-donc ?

Une guerre pour un avenir meilleur ?

Une guerre contre la fatalité ?

Une guerre pour plus de justice et de solidarité ?

Une guerre pour la paix ? Contre la pollution ? Contre le cancer qui ressemble de plus en  plus à une épidémie ?

Une guerre contre Monsanto et son Roundup pourri ?

Une guerre contre toute forme d’obscurantisme et d’extrémisme ?

Oui tout ça, et encore plus, peut-être simplement une guerre qui ne ferait de mal à personne, pour éviter justement celle qui nous pends au nez si nous ne faisons rien et qui fera beaucoup de mal à beaucoup de monde.


Tous les matins pendant mon jogging, cette pensée m’obsède ; que faire ?

Evidemment, je meurs d’envie de rejoindre la masse débordante des heureux non-voyants qui profitent, ou de ceux qui pensent qu’il n’y a rien à faire, que tout cela ne dépend pas d’eux, mais de la providence ou de la fatalité, et qu’on verra bien ce qu’on verra.

Les mêmes qui nous disent de profiter au lieu de se prendre la tête en conneries pessimistes ! Qui proclament  qu’ils en ont vu d’autres !  Qui nous disent, pour certains, allons, on l’a connu nous la guerre, et on s’en est remis, et les difficultés ne nous effraient pas !

L’homme trouve d’ailleurs toujours des solutions !

Et ne vit-on mieux et plus vieux à notre époque formidable nous disent-ils ? Cesses de te plaindre idiot ! (L’idiot c’est moi) 😮

Fais ton jogging, arrêtes de penser et fermes ta grande gueule !

Oui, oui ! Je veux être ça moi ! Je veux être comme eux ! Siouplait allez ! Moi aussi les yeux clos ! ….

 

Mouai… De retour de la course, après la douche, non, je ne veux plus finalement, tant pis pour ma tête, je préfère qu’elle reste droite, même trop agitée à l’intérieur.🙃

 

Vous connaissez Chuine Sugihara au fait ? Non ?

Je vais essayer de réparer cette lacune.

Voici résumée ici son histoire pendant la dernière guerre mondiale.

Cet homme était un diplomate japonais qui fut nommé consul du Japon en Lituanie. La Lituanie avant 1939 était indépendante mais les russes voulaient l’annexer pour mettre leurs troupes sur son territoire stratégique face à l’Allemagne nazi qui envahissait la Pologne. Les soviétiques, malgré l’accord qui les liait à l’Allemagne sur la neutralité de la Lituanie, finirent par l’envahir en juillet 1940 par crainte des nazis et elle perdit son indépendance.

Les consuls des différents pays, dont Sugihara pour le Japon, furent rappelés et les consulats sommés de fermer.

Il y avait en Lituanie une communauté juive très importante, soit installée depuis longtemps, soit issue d’une émigration massive après l’exil des juifs allemands ou polonais qui fuyaient les pogroms.

Lorsque la Lituanie fut annexée à la Russie, les juifs voulurent s’enfuir de nouveau et demandèrent des visas de transit à l’ambassade Japonaise. Pourquoi le Japon ? Parce qu’aux confins de la Russie, on pouvait rejoindre le pays du soleil levant après la traversée par le transsibérien, et de là, partir pour un autre pays d’accueil.

Tout cela n’était possible, qu’à la seule condition qu’un pays d’accueil soit prêt à accorder des visas aux réfugiés, faute de quoi le Japon n’accepterait en aucun cas de délivrer ces visas de transit. Pas facile à cette époque, sans moyens de communication intercontinentaux rapides, de trouver une solution. 

Le consul Sugihara, ému par ces populations persécutées, et malgré son ajournement de sa fonction de consul après l’envahissement soviétique, a cherché par tous les moyens un pays qui voudrait bien leur accorder ce visa indispensable, et a fini par convaincre l’ile des Antilles, Curaçao, qui accepta de délivrer des visas d’entrée sur leur territoire. Peu importe si ensuite ils ne s’y rendraient pas, l’essentiel étant de fuir la Russie (Une grande partie de cette communauté s’installera d’ailleurs en Chine à Shanghai pendant la période 39/45).

Notre consul commença à délivrer des visas, contre l’avis de son administration japonaise alarmée par l’afflux massifs des demandes, et des impératifs de fermeture du consulat. Mais des centaines, plusieurs centaines de juifs étaient dans l’attente de cette seule espérance de survie. Il travailla jour et nuit, repoussant de 20 jours la fermeture officielle du consulat et délivrera en un mois 2000 visas familiaux qui permettront de sauver 6000 vies !

Expulsé manu militari par les soviétiques qui l’obligeront à embarquer dans un train pour Berlin, il fit passer aux juifs sur le quai de la gare, jusqu'au dernier moment par les fenêtres de son wagon, tous les laissez-passer vierges qui lui restait, s'excusant de ne plus pouvoir écrire.

Vous imaginez la descendance de ces 6000 vies sauvées ? 

Sugihara, que ton nom soit béni devant les hommes, pour ton action, ta désobéissance, ton incapacité à te résigner, et l’humanité qui fut tienne au péril de ta vie.

En poste ensuite à Berlin jusqu’à la fin de la guerre, il fut après la libération interné avec sa famille pendant trois années sur place et après son retour dans son pays, on le mit à la retraite avec une maigre pension.

Enfin, en  1985, Sugihara fut élevé au rang des justes des nations par Israël, il est mort le 31 juillet 1986.

Voilà un juste hors du commun, même si l’on ne peut parler de commun pour un juste, n’est-ce pas ?

 

Je vous raconte cette magnifique histoire, pour vous dire que finalement on a toujours le choix,  laisser aller les choses, ou s’engager pour changer leurs cours.

Penser que l’homme est mauvais et que l’on ne peut rien faire est une façon de se résigner à ne rien changer.

 Penser que l’on ne peut rien sur les évènements, à son échelle c’est encore se résigner car on peut toujours un petit quelque chose, n’est-ce pas au moins une minuscule petite chose que ce blog, que cette espérance qui j’espère sera aussi la votre ? 

Lorsqu’on voit l’état du monde, on peut légitimement imaginer que nous ne pourrons pas continuer ainsi bien loin sans changement radical.

Pour nous bien sur, mais aussi et surtout, pour nos descendances.

Mon utopie, c’est d’imaginer cette prise de conscience grandissante et qu’à force de trépignations écrites ou verbales l’on finirait peut-être par faire dériver un peu notre trajectoire pour éviter le mur. Pourquoi ne pas essayer ?

Pourquoi ne pas se servir utilement d’internet, cette communication planétaire qui pourrait être utilisée à autre chose qu’à véhiculer des horreurs ou des banalités pour les voyeurs que nous sommes tous devenus. L’utiliser à devenir des citoyens de ce monde qui est sous notre responsabilité, que nous pouvons changer et influencer sans sombrer trop souvent dans le fatalisme. 

Cher lecteur, si tu partages cette idée, prends le relais, avec moi, sans but ni profit autre que cette utopie, car seul on ne peut rien, mais ensemble nous pouvons tout !

 

Et les derniers mots à Simone Weil (la philosophe pas Simone Veil la femme politique) :

« L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. »

 

Le-Haïm (A la vie)